CITATIONS SUR L'ALCHIMIE :
"J'aime bien la science alchimique, car en effet c'est la science des anciens. Je ne l'aime pas seulement pour son utilisation en fondant les métaux, dans la coction, la préparation, l'extraction et la distillation des herbes et des racines, mais je l'aime aussi à cause de ses allégories et de sa signification secrète, qui est très bonne et qui touche à la résurrection des morts au Dernier Jour."
(Martin Luther, "Conversation de Table")
"La matière est devant tous: tout le monde la voit, la touche, l'aime, mais ne la connaît pas. Elle est glorieuse et vile, précieuse et sans valeur, et on la trouve partout... Bref, notre Matière a autant de noms qu'il y a de choses dans ce monde, et c'est à cause de ça que les sots ne la connaissent pas."
(Le Traité Doré)
"J'avais découvert, tôt dans mes recherches, que leur doctrine n'était pas une simple fantaisie chimique, mais une philosophie qu'ils appliquaient au monde, aux éléments, et à l'homme aussi."
(W. B. Yeats, "Rosa Alchemica")
C'est une erreur de confondre l'Alchimie avec la Chimie. La Chimie moderne est une science qui traite seulement des manifestations extérieures de la matière. Elle ne produit jamais quelque chose de nouveau. On peut mélanger, composer et décomposer deux ou trois substances chimiques plusieurs fois et les faire réapparaître dans des formes différentes, mais à la fin il n'y a pas d'augmentation de la substance; il y a seulement la combinaison des substances utilisées au début. L'Alchimie ne compose et ne mélange pas: elle augmente et active ce qui existe dejà en état latent. Partant l'Alchimie peut être comparée plus exactement à la Botanique ou à la Agriculture, mais pas à la Chimie. En fait, la croissance d'une plante, d'une arbre ou d'un animal est une opération alchimique qui a lieu dans le laboratoire alchimique de la Nature et qui est conduite par le Grand Alchimiste, par le pouvoir actif de Dieu dans la Nature.
(Franz Hartmann)
"Transmutez-vous de pierres mortes en pierres philosophiques vivantes."
(Gerhardt Dorn)
"La Scholastique avec son argumentation infiniment subtile,
la Théologie avec sa phraséologie ambiguë,
l'Astrologie si vaste et si compliquée,
ne sont que jeux d'enfants, comparées à l'Alchimie."
(Albert Poisson)
"Ce ne sont pas des fables. Tu le toucheras des tes mains, tu le verras des tes yeux, l'Azoth, le Mercure des Philosophes, qui pour lui seul suffira pour te donner notre Pierre... Les Ténèbres apparaîtront à la face de l'Abîme; la Nuit, Saturne et l'Antimoine des Sages apparaîtront; la négritude, et la tête de corbeau des alchimistes, et toutes les couleurs du monde, apparaîtront à l'heure de la conjonction; l'arc-en-ciel aussi, et la queue du paon. Finalement, après que la matière a passé du couleur de cendres au blanc et jaune, tu verras la Pierre Philosophale, notre Roi et Dominateur Suprême, sortir de son sépulcre vitreux et monter sur son lit ou son trône dans son corps glorifié... diaphane comme le cristal; compact et très pesant, fusible au feu comme la résine, et coulant comme la cire et plus que le vif-argent... la couleur de saffron quand en poudre, mais rouge comme les rubis quand dans une masse intégrale..."
(H. Khunrath, Amphitheatrum)
"La tradition alchimique présuppose que tout art ou science est un corps de connaissances qui existe seulement parce que animé par des forces et des processus invisibles. La Chimie physique, comme elle est pratiquée dans le monde moderne, se rapporte spécialement aux projets de recherche pharmaceutiques ou industriels. Elle est confinée par les limites d'un matérialisme qui englobe tout, et qui conditionne le travail à l'avancement des objectifs physiques."
(Manly P. Hall, "Meditation Symbols in Eastern and Western Mysticism")
"L'opération alchimique consistait essentiellement dans la séparation de la prima materia, le soi-disant chaos, dans le principe actif, l'âme, et le principe passif, le corps, qui étaient après réunis dans la forme personnifié de la coniunctio ou "noces chymiques"... la cohabitation rituelle de Sol et Luna."
(C. G. Jung, "Mysterium Coniunctionis")
"Cherche la sagesse de Dieu, l'intuition pour comprendre,
Ou ne te mêle pas ici, ne te mets pas à travailler.
Car ça te coûtera très cher en richesses mondaines;
Ne confie-toi à personne, fais-le toi-même.
Apprends, partant, premièrement à nettoyer, purifier et sublimer,
À dissoudre, congeler, distiller et parfois
À conjoindre et à séparer, et à comment faire tout,
De manière que tu ne tombes pas quand tu penses t'élever,
Fais-le toi-même et ne confie rien aux autres;
C'est tout ce que je peut te dire, même si tu étais mon frère."
(Simon Forman, 1597)
"L'Un devient deux, deux devient trois, et par le moyen du troisième et du quatrième il achève l'unité; donc deux ne sont qu'un...
Invertez la nature et vous trouverez ce que vous cherchez...
Joignez le mâle et la femelle, et vous trouverez ce qui est cherché..."
(Marie la Juive, 300 d.C.)
"Donc, ayant chez moi ce beau livre, je ne faisais nuit et jour qu'y étudier, entendant très bien toutes les opérations qu'il démontrait, mais ne sachant point avec quelle matière il fallait commencer, ce qui me causait une grande tristesse, me tenait solitaire, et faisait suspirer à tous moments. Ma femme Perrenelle que j'aimais autant que moi-même, laquelle j'avais épousée depuis peu, était toute étonnée de cela, me consolant et demandant de tout son courage si elle me pourrait délivrer de fâcherie. Je ne peux jamais tenir ma langue que ne lui dise tout, et ne lui montrasse ce beau livre, duquel à même instant qu'elle l'eût vu, elle fut autant amoureuse que moi-même, prenant un extrème plaisir de contempler ces belles couvertures, gravures, images et pourtraits, auxquelles figures elle entendait aussi peu que moi. Toutefois, ce m'était une grande consolation d'en parler avec elle et de m'entretenir qu'est-ce qu'il faudrait faire pour avoir l'interprétation d'icelles."
(Nicolas Flamel (supposémment XIVème s.), Le Livre des Figures Hiéroglyphiques, 1612)
"L'Alchimie est l'art de manipuler la vie et la conscience dans la matière, pour aider son évolution ou pour résoudre des problèmes de disharmonies internes."
(Jean Dubuis)
"Roi Calid : Donnez-moi l'explication de cette chose.
Morien: Pourquoi utiliser tant de mots pour vous expliquer? Car cette chose est extraite de vous, et vous êtes sa mine; ils la trouvent en vous, et, pour être plus clair, ils la tirent de vous; et quand vous aurez fait cette expérience, l'amour et les délices de cette chose seront augmentés en vous. Et alors vous saurez que cette chose subsiste véritablement et sans aucun doute.
Roi Calid: Auriez-vous connu quelque autre Pierre que peut être comparée à cette Pierre, et dont les effets et le pouvoir peuvent perpétrer cette même chose?
Morien: Je ne connais aucune Pierre que peut être comparée à cette Pierre, ou qui aurait ses effets. Car dans cette Pierre les Quatre Éléments sont contenus, et elle est comparée au monde et à la composition du monde."
("De Transmutatione Metallica", section nommé "Les Questions du Roi Calid, et les Réponses de Morien", dans MS Sloane 3697)
ALCHIMIE ET ŒUVRE DE LA TRANSMUTATION
L'alchimie peut être considérée selon deux modalités, une modalité matérielle, la transformation d'un métal vulgaire en or et une modalité spirituelle, la transformation d'un individu "commun" en être réalisé. Ces deux modes d'action sont interdépendants, et l'alchimie véritable est initiatique. Dans l'alchimie il ya une interaction très forte entre l'opérateur et son œuvre à ce point que la transmutation n'est possible que pour celui qui a réalisé un véritable travail sur soi.
L'alchimie affirme que tout est conscience, et que l'existence est issue d'une énergie première, le Chaos.
Cette énergie unique va ensuite se différencier en deux énergies complémentaires, l'une active, spirituelle, "Nitrum", l'autre passive, matérielle, "Natrum". Une seconde division de l'énergie engendre les 4 éléments. Niturm engendre le Feu actif et l'Air passif, Natrum engendre l'Eau active et la Terre passive.
Feu et air combinés donnent le Souffre alchimique, Eau et Terre combinées donnent le Sel alchimique. Le Mercure Esprit médiateur est la combinaison de l'Air et de l'Eau.
Le Souffre est l'âme des choses et des êtres. Il se présente sous un aspect "gras" dans les trois règnes.
Le Sel est le corps des choses, il détermine la matière. En alchimie opérative, c'est un élément purificateur et attire les énergies de la vie qu'il détermine selon sa propre nature.
Le Mercure participe de la vie et de la matière, il unit le matériel et le spirituel d'où son rôle prépondérant en alchimie. En alchimie opérative, le Mercure sert à extraire le Souffre des mixtes.
Le principe de l'alchimie est de séparer, purifier, puis unir à nouveau Souffre, Sel et Mercure pour obtenir selon les cas un Elixir ou une Pierre. Les opérations sont longues et dépendent (alchimie minérale) de l'état d'éveil de l'alchimiste lui même. C'est pourquoi on considérera avec raison l'alchimie comme une pratique spirituelle qui développe en soi la prise de conscience de l'aspect unitaire des choses (ce qui est en bas est comme ce qui est en haut). L'alchimiste en communiant par son travail se relie à l'universalité, il rétablit en lui la jonction entre la conscience physique, cérébrale et le spirituel.
Les trois règnes, minéral, végétal et animal sont concernés par l'alchimie, chaque règne a son Souffre (âme) son Sel (corps) et son Mercure qui assure la jonction entre les deux. Dans le règne végétal le Mercure est présent dans la sève ou l'alcool, dans le règne minéral il est présent dans l'"humide radical" qui n'existe que dans les minerais natifs, dans le règne animal il est présent dans le sang.
L'œuvre alchimique est une accélération des processus naturels et c'est en respectant la Nature que l'Alchimiste parvient au terme de son œuvre.
Introduction au cahier d'alchimie
Notre propos n'est pas de donner des recettes, car aucune recette ne fonctionne en alchimie. L'hermétisme propose une conception du monde qui lui est propre, assez éloignée de la science classique, et qui vise à la réintégration de l'Homme et donc de la Conscience au sein de la Création.
L'œuvre alchimique résulte d'opérations qui sont plus proches de l'art que de la science, bien que cette dernière et en particulier la chimie fasse maintenant partie du bagage "culturel" de nombreux alchimistes opératifs.
Nous ne rentrerons dans aucun débat d'école, ni non plus dans celui qui consiste à juger de la "réalité" ou de la validité de l'alchimie. Il ne s'agit pas pour nous de proposer une croyance, ni d'ailleurs de la réfuter, nous considérons l'Alchimie comme un art et à ce titre nous ne pouvons que constater son existence et sa persistance à travers les siècles. Une expérience modeste au laboratoire nous a permis de connaître quelques unes de ces joies et de ces déceptions qui transparaissent souvent dans les écrits des adeptes. La joie de voir la matière se transformer dans le vaisseau, celle qui résulte de la compréhension des textes et d'autres plus grande ou plus modestes. La déception aussi, quand rien ne bouge, quand le "verre éclate", quand la matière meurt après de longs mois de gestation.
Car il s'agit bien de cela, l'alchimie est vie, elle est gestation, elle est création. On parle d'œuf alchimique, d'enfant royal, de fécondation, de mariage. L'alchimiste se substitue ou plutôt s'assimile au Démiurge, il crée, il s'intègre au mystérieux processus de la vie et devient acteur.
Est-ce une manière proprement "masculine" de compenser l'incapacité physiologique à porter la vie ? Et auquel cas l'initiation alchimique serait elle une façon de rencontrer l'anima, la partie féminine de notre être ? Nous laisserons ces questions à la psychanalyse sans pour autant écarter ces hypothèses.
Si l'expérience du laboratoire est incontournable, la confrontation à la réalité matérielle n'est pas exempte de difficultés, d'illusion, ni de danger.
C'est pourquoi il est bien plus simple en alchimie, comme dans d'autres voies de la tradition d'ailleurs de rester sur le plan spéculatif.
Le travail au laboratoire demande un investissement non négligeable, un matériel adéquat, de l'espace, et du temps mais surtout une immense patience.
Le manque de savoir faire, les tours de mains à redécouvrir sont pour les alchimistes (en l'absence de formation de chimiste) de réelles difficultés. L'illusion qui résulte d'une mauvaise interprétation des résultats, en regard de l'obscurité des textes, de l'absence de guide mais aussi du manque de connaissance en chimie. Cette capacité à l'auto-illusion est une composante majeure de l'être humain. Elle vaut tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel.
Le travail au laboratoire peut être l'occasion d'une illusion mais n'est pas générateur d'illusion dans la mesure où il offre l'opportunité de confronter constat et croyance. Dans l'alchimie spéculative, on pourra disserter à son aise sur le processus, ses symboles ou sa philosophie. Cette phase est nécessaire tout au long du chemin, mais les résultats du laboratoire sont soumis à la validation des sens. Même si dans les phases intermédiaires de l'œuvre, on peut faire fausse route, son aboutissement matériel signe de façon incontestable la réussite ou l'échec du travail.
Le travail au laboratoire n'est pas sans danger non plus. Il y a le bris du matériel, certains disent que l'alchimiste qui n'a pas connu une explosion n'est pas vraiment un alchimiste. Il y a le danger lié aux substances manipulées, les acides, le feu mais aussi les poisons végétaux et minéraux dont on ne saurait trop mesurer le danger. (alcaloïdes, vapeurs de Mercure, Arsenic, sels métalliques..). Une extrême prudence et une bonne connaissance de la chimie sont donc nécessaires à ceux qui voudraient expérimenter.
Et quels résultats escompter ?
L'aboutissement de l'œuvre n'est pas à la portée du premier venu, soyons modeste, il ne s'agit pas moins que d'obtenir la transformation des métaux en Or et la Médecine universelle. Le rêve de tout humain, la richesse, la santé, la jeunesse.
Et si tout cela n'était qu'un leurre, un rêve agréable voir un peu frivole que l'on poursuivrait inlassablement et de tout temps. Si cet Or n'était que Philosophal et que l'objet ne soit pas la Pierre mais la quête de la Pierre ? Ou mieux, un art de l'évolution qui aiderait l'homme à avancer, à aller aussi loin que sa nature le permet ?
L'alchimie propose une initiation, une vision de l'individu en harmonie avec les Lois de la Nature et de la Vie. Cette initiation devient réelle lorsque les obstacles à la Lumière se lèvent, que le bandeau tombe, et que l'Homme se transforme.
L’initiation hermétique se conjugue selon les mêmes lois que celles qui opèrent dans la Nature. Le Feu opère dans l'alchimiste, et le fait évoluer. L'énergie vitale qu'il mobilise au cours de son travail dans le Monde et dans les relations qu'il peut avoir avec lui, transforme son corps, son Esprit et son âme.
Débarrassé des scories mentales et spirituelles qui sont autant d'obstacles sur le chemin, il suit la voie de la réintégration qui est aussi un mythe celui de l'Homme édénique, celui de l'âge d'Or, de l'Harmonie Universelle. Le mariage alchimique peut avoir lieu, union du Roi et de la Reine, de l'Homme et de la Création, du conscient et de l'inconscient.
De cette union naît l'enfant Royal, l'Homme régénéré, ne devrait on pas dire l'Homme véritable.
Il y a cinq concepts préalables à la compréhension de l'alchimie:
L'univers est d'origine divine.
Toute matière est rattachée au divin et donc en interrelation avec les différents éléments de la Création.
Chaque organisme, incluant le règne minéral est en évolution
L'être humain a le pouvoir d'agir sur chaque organisme et dans chaque règne
La compréhension des lois de la Nature permet à l'homme d'accélérer les processus dévolution.
ALCHIMIE ET ÉVOLUTION PERSONNELLE
LES ORIGINES DE L'ALCHIMIE SE PERDENT DANS LA NUIT DES TEMPS
Le mot alchimie évoque bien souvent la célèbre image du Moyen-âge qui nous montre un vieil homme affairé dans son laboratoire, autour d'instruments plus mystérieux les uns que les autres, et dont on dit qu'une seule obsession l'habitait : découvrir la pierre philosophale.
Or il s'avère que cette science des transmutations, qu'il s'agisse des métaux ou des plantes, n'était étrangère ni aux Arabes, ni aux Égyptiens, ni même aux Chinois ou aux peuples de l'Amérique précolombienne. Par sa caractéristique fondamentale qui est de construire une vision symbolique des mutations naturelles, elle prendrait ses racines dans les origines mêmes de l'homme.
Toutes les traditions magico-religieuses qui nous viennent de la plus haute antiquité, traduisent en effet le souci constant de nos ancêtres de donner un sens profond aux mutations naturelles, qu'ils en aient été les témoins ou les protagonistes
Prenons par exemple l'extraction des métaux. Pour l'homme dit "primitif", le métal est le cœur vivant de la pierre inanimée. L'extraire de sa gangue matérielle n'est autre que décomposer et recomposer la nature par une suite de purifications. Face à la pierre brute, symbole d'inertie, de "lumière morte", le métal pur oppose son extraordinaire souplesse ainsi que sa dureté, toutes deux symboles d'une matière capable d'épouser les formes de l'esprit
L'alchimie est donc, avant tout, la science et l'art des transmutations
Elle apporte un changement profond à la nature des choses tout en restant dans un cadre naturel. Elle est en ce sens une science de l'être.
On a souvent voulu donner à l'alchimie la qualité d'ancêtre de la chimie. Or cette conception de l'alchimie ne peut en aucun cas nous conduire à sa compréhension, la chimie étant une toute autre approche des phénomènes naturels.
Certes, dans un cas comme dans l'autre, il est question des mutations naturelles. Mais, alors que la chimie est basée sur l'observation des phénomènes, que sa démarche va donc de l'extérieur (observateur) vers l'intérieur de la matière (composants), l'alchimie aborde les phénomènes de l'intérieur vers l'extérieur, donc de l'essence vers l'apparence formelle.
Avec la chimie, nous pouvons parler de transformations, étudier le changement d'apparence des êtres et établir une classification basée sur le principe d'identité : A est A mais ne peut être B dès lors qu'ils diffèrent par la forme. Avec l'alchimie s'ouvrira à nous le mystère de la transmutation, accessible par le pouvoir d'analogie entre l'observateur et l'être en devenir. Il s'agit là de deux voies complémentaires dans l'accès à la compréhension de la vie, l'alchimie intégrant la chimie par le fait qu'elle traite, en dernier lieu, des transformations inhérentes à toute transmutation.
Il est aisé de comprendre, en effet, qu'un homme peut se transformer facilement s'il utilise toute sorte de déguisements, du plus grossier au plus noble, mais qu'il lui coûtera bien plus de changer sa nature profonde pour que la noblesse lui soit plus naturelle que la grossièreté...
Tel est le passionnant challenge qui s'offre à celui qui désire comprendre l'alchimie.
QUE SIGNIFIE COMPRENDRE UNE CHOSE DE L'INTÉRIEUR ?
Une science objective suppose l'acquisition d'une technique précise, sorte d'interface entre l'observateur et l'observé. Les résultats obtenus ne prennent nullement en compte l'état d'âme de l'observateur, celui-ci devant rester le plus "distant" possible par souci d'objectivité. C'est pourquoi il peut même être remplacé par un ordinateur.
Cette mécanique de l'esprit est accessible à tous sans profonde remise en question et c'est ce qui fait que la pédagogie d'une telle science est relativement simple.
Le langage alchimique semble être aux antipodes et nous nous trouvons devant une toute autre forme de pédagogie.
Le langage alchimique est en effet une poétique qui fait appel essentiellement à l'imagination : on ne décrypte pas un texte alchimique comme un énoncé de mathématiques. Bien souvent il s'agit de rébus, d'histoires fantastiques mettant en scène des créatures qui n'existent que dans l'imaginaire. Ceci est déroutant et peut être un obstacle pour celui qui ne fera pas l'effort d'imaginer. Comprendre de l'intérieur implique donc que son propre monde intérieur soit suffisamment riche d'images symboliques, prêtes à entrer en résonance avec les suggestions du texte. On ne pourra comprendre si on ne voit pas ce qui est suggéré. Pourquoi cette apparente barrière qui fait parfois de l'alchimie une science rébarbative ?
Simplement, rappelons-le, parce qu'il s'agit de comprendre l'être vivant sans l'ouvrir, donc sans le faire mourir
L'alchimie est un art avant d'être une technique. C'est l'art de l'amour, l'art royal comme disaient les alchimistes du Moyen-âge et son caractère hermétique n'est autre que la marque du respect pour le vivant : on peut toucher quelqu'un par un simple contact physique mais ceci ne nous en donnera qu'une connaissance superficielle, passagère et aléatoire. Toucher son cœur nous ouvre au contraire sa véritable dimension, celle de l'être dont le corps n'est qu'un vêtement.
Ainsi, pour reprendre le langage symbolique, la connaissance alchimique s'établira par l'aptitude à faire vibrer notre corde intérieure en harmonie avec celle de l'être que l'on désire connaître, qu'il s'agisse d'un humain, d'un animal, d'une plante ou pourquoi pas d'une pierre.
Tout est vivant pour l'alchimiste. Son souci est d'apprendre l'art de dialoguer avec ce qui est vivant en chaque chose, donc avec ce qui pourra la faire muter.
L'ALCHIMIE OU L'ART DE LA CIRCULATION
Nous pouvons maintenant mieux comprendre le credo fondamental de l'alchimiste : "Délivrer l'esprit par la matière et délivrer la matière par l'esprit".
Cette double délivrance s'exprime par l'existence d'une très grande circulation entre les régions les plus denses de l'être et celles des plus subtiles. C'est en cela que parler d'alchimie matérielle ou d'alchimie spirituelle est un non-sens. Toute créature est une symbiose entre une idée et une substance. L'alchimie s'intéresse au rapport qui les unit, rapport qui ne peut être que paradoxal étant donné le caractère antithétique de ces deux mondes. Seule l'idée de la circulation peut soutenir ce paradoxe. "Solve et coagula", une autre devise alchimique, illustre bien cette circulation. Dissoudre et recomposer autant de fois qu'il sera nécessaire jusqu'à obtenir la symbiose la plus parfaite entre matière et esprit : la pierre philosophale.
Toute créature, qu'elle soit minérale, végétale, animale ou humaine peut ainsi devenir pierre philosophale.
PENSÉE ET ACTION
L'esprit et la matière appellent chez l'Homme deux conduites différentes : penser et agir.
On pense par l'esprit et on agit sur la matière.
Mais savons-nous vraiment relier tous nos actes à nos pensées et faire de nos actions le ferment de nouvelles idées ? Aussi simple qu'il paraisse, ce paradoxe est en fait la clé de toute œuvre alchimique. Comment faire pour avoir la motivation nécessaire, exprimée en terme d'énergie, pour transformer son environnement selon l'idéal qu'on s'en fait.
En nos temps où l'outil devient de plus en plus déconnecté de la matière (citons par exemple l'informatique), mettre une idée en action devient toujours plus difficile et l'on voit souvent l'Homme renoncer à ses projets quand il ne renonce pas tout simplement à ses idéaux.
Or il n'y a que l'effort de concrétisation de nos idées qui puisse nous faire changer profondément.
Nous sommes le résultat de nos œuvres. Modifier l'œuvre c'est se modifier soi-même. C'est un gage d'épanouissement, et c'est en tout cas la meilleure "recette" anti-stress qui soit. Ne pas le faire est source de blocages intérieurs, d'amertume et de découragement. L'homme écartelé entre la pensée idéaliste et sa réalité concrète n'a plus d'autre échappatoire que le repli sur lui-même, dans un état qui se situe aux antipodes de l'amour : il agira sans conviction et pensera sans le souci d'une concrétisation. Devant lui se fermera inéluctablement l'accès au mystère alchimique.
COMMENT RÉCONCILIER L'INCONCILIABLE ?
Toute union peut se traduire en termes d'amour. Le problème de la circulation entre l'esprit et la matière se situe donc dans un plan qui n'est ni l'un, ni l'autre, une sorte d'intermonde caractérisé par l'affectivité. Toute paralysie dans la circulation exprime un "blocage de l'affectif". Lorsque par exemple nous sommes paralysés, en proie à la panique, nous sommes tous simplement bloqués affectivement : la solution qui pourrait nous sauver et qui se situe dans le plan mental (ex. : si je suis agressé je ferai ceci et cela !...) ne trouve aucun chemin ouvert pour atteindre le moteur de l'action.
Or ce chemin ne peut être qu'imagination. S'imaginer avec force ce qu'il faut faire pour franchir un obstacle permettra d'enclencher le moteur et d'agir. C'est ce même contact que l'on retrouve dans toutes les traditions lorsqu'elles nous présentent le monde dans une division ternaire et trifonctionnelle.
L'INTERMONDE, SIÈGE DE L'IMAGINATION
Nous pouvons concevoir, dans la continuité de ce que nous venons d'exposer, que l'univers vivant auquel l'homme appartient fonctionne grâce à l'interaction de la pensée et de l'action dans un intermonde que nous appellerons, pour reprendre l'expression d'Henri Corbin, l'Imaginal.
PENSÉE
Principes, Archétypes, Modèles atemporels
IMAGINAL
Rêve, Conception, Symboles
ACTION
Concrétisation, Matière, Temporalité
Le monde imaginal est aussi réel qu'un objet ou qu'une idée peut l'être.
Sans lui nous serions comme l'animal, incapables de croire par exemple au cinéma, de nous mettre à rire ou à pleurer parce qu'une simple image projetée sur un écran est en train d'évoquer comme contenu émotionnel ou affectif en nous-mêmes
Monde des images que l'on conçoit en rêve ou dans l'état de veille,
l'Imaginal est le lieu de tous les paradoxes.
Il est donc à la fois cette région dangereuse par les fantômes qu'elle abrite mais aussi ce jardin secret, situé hors du temps, véritable âge d'or d'où nos actions puiseront l'enthousiasme comme on puise à une source d'énergie intarissable. Et quel homme pourrait vivre sans cet apport d'images structurantes qui donnent un sens à la vie depuis le plus petit grain de sable jusqu'à l'immensité de l'univers ? N'est-ce pas dans ce monde que se situe la réalité humaine, celle d'un acteur jouant un personnage dans le théâtre de la vie ?
L'IMAGINATION CRÉATRICE, LIEU DE L'ÉVOLUTION SPIRITUELLE
Revenons à cette conception de l'alchimie en tant que circulation incessante d'énergie. Nous parlions précédemment de cordes à faire vibrer en nous-mêmes pour faire vibrer tout ce qui nous entoure. Ces cordes sont nos images intérieures, quintessences du monde concret qui feront par exemple d'un arbre le symbole éternel de l'axe du monde, mais elles sont aussi les puissances de condensation des idées dans nos actes. Être capables d'extraire de nos actes une énergie qui dépasse l'acte lui-même nous rend légers dans la plénitude de l'être.
Agir autrement n'est que source d'usure dont nous sortirons vides et inanimés. L'art alchimique dégage un plus comme la transmutation de la matière dégage une énergie excédentaire. L'important est que cette énergie puisse être contrôlée pour qu'elle ne soit pas à l'image d'une bombe atomique, dispersée à tout vent et perdue à jamais.
Agir autrement n'est que source d'usure dont nous sortirons vides et inanimés. L'art alchimique dégage un plus comme la transmutation de la matière dégage une énergie excédentaire. L'important est que cette énergie puisse être contrôlée pour qu'elle ne soit pas à l'image d'une bombe atomique, dispersée à tout vent et perdue à jamais.
"Solve et coagula" :
se transporter par l'enthousiasme d'un acte qui vivifie notre imagination et rassembler ces énergies pour les recycler dans de nouvelles actions, tel pourrait se définir l'art royal.
Alors le mystère de la pierre philosophale se dévoile à nos yeux comme l'être accompli dans la circulation des énergies et l'art de transfigurer tout ce qu'il vient à toucher : la pierre philosophale dans le règne minéral transmutera le plomb en or, dans le règne végétal elle accélérera la fabrication des élixirs et sur le plan humain elle sera cet être de lumière capable, par sa seule présence, d'ouvrir le cœur des hommes en quête de leur propre sommet. Comment comprendre autrement que le Christ ait pu être comparé, au Moyen-âge, à cette fameuse pierre philosophale ? Comment comprendre que d'autres hommes aient pu transfigurer à ce point l'histoire non seulement de leurs contemporains mais aussi des générations entières qui leur succédèrent?
EN CONCLUSION
L'auteur nous rappelle la discipline inhérente à toute quête alchimique, véritable mise à l'épreuve du candidat. Cette discipline transparaît dans les lignes qui précèdent par le seul fait que nos lecteurs pourront se demander comment faire concrètement pour réaliser en soi cette pierre philosophale, source de toute évolution spirituelle. Ce à quoi l'auteur répondrait : "Demande-t-on comment on fait l'amour lorsque l'on désire s'unir à qui l'on aime ?"
L'amour, clé centrale de l'alchimie, ne devient affaire de technique que lorsqu'il est soit dévoyé au stade d'une jouissance plus qu'éphémère, soit lorsqu'il atteint un tel pouvoir de transfiguration que tout doit être mobilisé pour qu'il puisse irradier les couches les plus profondes des êtres. Entre ces deux extrêmes se situe le simple besoin du candidat. S'il désire connaître ce qui pour lui est devenu vital, la porte du mystère alchimique pourra s'ouvrir. Dans le cas contraire, simple curiosité intellectuelle, la porte restera close.
La question du "comment faire ?", intention artificielle née de l'intellect, cachera la réalité d'un "pourquoi ?" mal défini.
Pour citer Fernand Schwarz : "Celui qui n'a pas le pourquoi cherchera partout le comment". Et nous pourrions ajouter que de comment en comment cet homme perdra toujours plus l'opportunité de découvrir en lui le pourquoi.
Si les écoles initiatiques ont toujours imposé de dures épreuves à leurs candidats, il semble que c'était justement pour apprécier la nécessité qui était la leur d'acquérir cette connaissance : seraient-ils prêts, par la suite, aux sacrifices inhérents à toute transmutation intérieure ; seraient-ils suffisamment prudents pour être respectueux de l'extraordinaire savoir dont ils pourraient être les dépositaires ou seraient-ils de simples faussaires, enorgueillis de leurs diplômes mais incapables de ressentir la moindre compassion envers le drame de la vie ; et, pour citer une dernière devise alchimique, seraient-ils capables de :
"SAVOIR, POUVOIR, OSER ET PUIS SE TAIRE..."
cher ami, je vois que vous avez bien aimé les textes et les images de mon site (inclus le premier dans votre page, écrit par moi)! merci de citer les sources dans votre blog !
RépondreSupprimeramicalement
MC.
www.ojardimhermetico.com
Il faut qu'on parle .
RépondreSupprimerIl faut qu'on parle en privé ( du savoir, pouvoir , oser ) ?!
RépondreSupprimerTresbien
Supprimer